Maroc : Vers une Réforme de la Famille – Une Histoire de Débats et d’Espoirs
Marrakech - Un vent de changement souffle sur la société marocaine. Ces derniers jours, la révision tant attendue de la loi sur la famille (connue sous le nom de "Code de la famille") est au centre de toutes les attentions.
Lundi dernier, la commission chargée de cette réforme a dévoilé les principales propositions et l’avis juridique du Conseil supérieur des oulémas. Ces travaux, présentés devant le roi Mohammed VI lors d’un atelier officiel, marquent une étape cruciale dans la révision de ce cadre législatif. Mais ce n’est que le début : ce texte suscite déjà des discussions passionnées dans les foyers, sur les réseaux sociaux et au sein des institutions.
Quand le Mariage Devient un Débat de Société
Sur les réseaux sociaux, les réactions sont vives. « Le mariage ressemble de plus en plus à une entreprise, plutôt qu’à une union », a écrit un internaute sur Facebook. Un autre a répondu : « Celui qui pense déjà au divorce ne devrait peut-être pas se marier. »
Ces discussions ne se limitent pas à la sphère privée. Les associations féminines, les organisations de défense des droits humains et les partis politiques se positionnent également. Les mouvements conservateurs insistent sur le respect des valeurs religieuses et culturelles locales, tandis que les courants modernistes plaident pour une adaptation aux normes internationales et à l’évolution des droits humains.
Chaque camp perçoit dans ces propositions des avancées – mais aussi des insuffisances. Pour l’instant, les réactions oscillent entre prudence et espoir.
Un Chemin Semé d’Embûches vers le Consensus
Ces réformes n’ont pas été conçues à la légère. Suivant les directives royales, le gouvernement a adopté une approche consultative, sollicitant les opinions de toutes les parties prenantes. Ce processus, bien qu’ambitieux, n’a pas évité les tensions.
Les propositions, approuvées par le Conseil de gouvernement, devront encore passer l’épreuve du Parlement, où elles feront l’objet de débats intenses avant de devenir lois.
Des Voix Féminines au Cœur du Changement
Salha Boulajam, une militante des droits des femmes et responsable du Forum Zahraa, a salué l’approche méthodique adoptée. Selon elle, l’implication des spécialistes dans les aspects juridiques et civils, et du Conseil supérieur des oulémas dans les questions religieuses, est un gage de rigueur et de respect des valeurs fondamentales.
Elle s’est félicitée du rejet des propositions contraires aux textes religieux explicites tout en encourageant des efforts pour tenir compte des transformations sociales et culturelles.
De son côté, Amal Al-Amine, coordinatrice de l’Alliance Dunia, considère le débat actuel comme un signe de vitalité sociale. Pour elle, ce dialogue reflète la volonté collective de moderniser le droit familial tout en restant fidèle à l’identité marocaine
Des Propositions Qui Divisent
Parmi les propositions, certaines font consensus, comme l’élévation de l’âge légal du mariage des mineurs à 17 ans, bien qu’elle reste insuffisante aux yeux de certaines militantes. Amal Al-Amine regrette l’absence d’interdiction totale du mariage des enfants, plaidant pour une réforme radicale pour protéger les droits des jeunes filles.
D’autres mesures, comme la reconnaissance du mariage coutumier à condition de le formaliser, l’égalité dans les droits de garde et de gestion légale des enfants, ou encore la simplification des procédures de divorce, suscitent des réactions variées.
Un Équilibre Entre Tradition et Modernité
Idriss Aouhanna, professeur de droit islamique, reconnaît les avancées notables dans les réformes proposées. Il met en avant l’intégration de principes de justice, tout en préservant les fondements religieux. Cependant, il déplore le durcissement des conditions du mariage polygame, estimant que cela frôle l’interdiction.
À l’opposé, des partis politiques comme le Parti du progrès et du socialisme saluent ces restrictions. Ils y voient un pas en avant vers une société plus égalitaire, tout en soutenant d’autres avancées, telles que l’égalité dans la gestion des biens matrimoniaux.
Famille et Société : Vers une Nouvelle Vision
Les réformes du Code de la famille ne se limitent pas à des ajustements législatifs. Elles posent des questions fondamentales sur l’éducation, les responsabilités partagées et les relations au sein des foyers marocains.
Pour Salha Boulajam, l’avenir de la famille repose sur un équilibre subtil : des lois justes et des initiatives éducatives pour promouvoir le respect mutuel et la solidarité. Amal Al-Amine souligne, quant à elle, que la montée des divorces, depuis l’adoption du Code en 2004, n’est pas un signe d’échec, mais plutôt une preuve de l’autonomie croissante des femmes dans leurs choix de vie.
Ensemble, ces réformes ambitionnent de construire un Maroc où tradition et modernité coexistent, et où chaque membre de la société, qu’il soit homme, femme ou enfant, peut s’épanouir dans un cadre harmonieux et équitable.
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